Ajith : “Les racines sociales du Covid-19 sont aussi importantes que le virus lui-même”
C’est dans les pays développés, censés avoir de meilleures installations de traitement, que le taux de décès par Covid-19 est le plus élevé. Bien que l’on puisse penser à de nombreuses raisons expliquant cela, le principal coupable est les politiques néolibérales qui ont attaqué les services de santé publique. L’absence de traitement rapide est l’une des principales causes de décès aux États-Unis et en Italie. Beaucoup de patients n’ont reçu aucun traitement. Pour la grande majorité des pauvres qui n’ont pas d’assurance maladie aux États-Unis (la majorité des Afro-Américains et des hispaniques), même les soins primaires sont impossibles.
Il en va de même pour la classe moyenne sans emploi. Par conséquent, beaucoup de personnes atteintes par le Covid-19 ne se sont pas rendues chez le médecin lors de l’apparition des symptômes. Au moment où ces patients sont obligés d’aller consulter un médecin, la maladie est bien souvent déjà incontrôlable. Le manque d’équipement ou de personnel adéquat a aggravé la situation. Trump et d’autres dirigeants impérialistes ont montré au début une irresponsabilité égoïste. Plutôt que de prendre soin de la santé des gens, leur souci était de maintenir des activités économiques de routine et à but lucratif. Cela a également contribué au taux de mortalité galopant observé aux États-Unis. Une perte aussi énorme a été causée par une maladie qui a un taux de mortalité d’à peine 2%. Cela met clairement en évidence l’incompétence et le caractère anti-populaire du néolibéralisme et de son géniteur, le capitalisme.
Le rôle de ces criminels ne s’arrête pas là. Il y en a qui soutiennent que l’arrivée de tels agents pathogènes est fortuite, et que donc personne ne peut l’arrêter. Ensuite, il y a ceux qui pensent que les lacunes peuvent tout au plus être identifiées dans les mesures prises pour y faire face. Il y a ceux qui décrivent le Covid-19 comme une punition infligée par la nature et ceux qui s’y opposent. La nature n’est certainement pas venue comme une sorte de pouvoir transcendantal pour nous punir, et elle ne le fera pas non plus à l’avenir. Pourtant, quelque chose de ce genre s’est sûrement produit, au sens des mots d’Engels.
Engels a écrit que même si l’homme peut se vanter d’avoir conquis la nature, il finira par recevoir un coup dur de la nature, lui rappelant qui est vraiment le vrai maître. Ce qu’il voulait dire, c’est que les actions humaines ont des conséquences. Ces mots, qui révélaient le vide des prétentions capitalistes, faisaient également allusion au danger de son approche destructrice du développement.
Cela se voit bien dans les origines et la propagation de la pandémie de coronavirus d’aujourd’hui. Certains ont réduit la question aux seules causes génétiques. Ils cachent ainsi le rôle joué par les relations impérialistes qui lient le monde. Ce rôle est analysé scientifiquement et argumenté dans le prochain article principal du numéro de mai de Monthly Review (rédigé conjointement par Rob Wallace, Alex Liebman, Louis Fernando Shaw et Roderick Wallace).
Eux aussi partent du marché de produits de la mer à Wuhan. Mais ils ne s’enlisent pas dans les habitudes alimentaires des Chinois, vues comme étranges dans le regard orientaliste du monde impérialiste. Au contraire, leur essai entre dans les relations sociales et économiques qui sont révélées par ce marché. “Comment le secteur des aliments exotiques est-il arrivé à un point de vente où il pourrait vendre ses marchandises aux côtés de produits plus traditionnel sur le plus grand marché de Wuhan?” – c’est de là qu’ils commencent.
Ils soulignent: « Bien au-delà de la pêche, la nourriture sauvage mondiale est un secteur de plus en plus formalisé, toujours capitalisé par les mêmes sources qui soutiennent la production industrielle. » Une chaîne remonte du marché de Wuhan aux arrière-pays où les aliments exotiques et traditionnels sont élevés par des producteurs bordant une contrée sauvage. Et puis un certain nombre de chaînes de commerce/transport relient ces centres à différents pays et grandes villes. Le coronavirus est arrivé, voyageant là dessus, un peu comme le SRAS qui l’a précédé.
Certaines sociétés multinationales, telles que Johnson & Johnson, ont préparé une carte de faisabilité indiquant où de nouveaux germes pourraient apparaître à l’avenir. La vision géographique qu’ils ont adoptée pointe vers les pays du tiers-monde. L’essai de Monthly Review critique cette approche. Il souligne que «se concentrer sur les zones d’épidémie ignore les relations partagées par les acteurs économiques mondiaux qui façonnent les épidémiologies». Lorsque ces relations sont prises en considération, ce ne sont pas les pays du tiers monde, mais les principales sources de capital mondial – New York, Londres et Hong Kong – qui se révèlent être les pires points chauds. Ces nouveaux virus nocifs pour l’homme se sont propagés depuis la vie sauvage. Une grande partie de cela se produit aujourd’hui aux frontières du capitalisme, autrement dit, dans les zones forestières restantes. La déforestation détruit les habitats des animaux sauvages porteurs de maladies, créant ainsi des conditions propices à sa propagation. En quelques jours, les nouveaux agents pathogènes qui ont commencé leur voyage à partir de forêts peu peuplées, se sont répandus à travers le monde, à l’abri d’une mondialisation à cheval sur le temps et l’espace.
Le nœud de cet essai peut être résumé ainsi : les virus qui avaient été largement contenus à travers la complexité des forêts tropicales sont entrés dans le courant dominant à travers la déforestation causée par le capital et les déficits de santé publique et d’assainissement de l’environnement.
En bref, les changements dans les conditions de vie et les conditions environnementales de la grande majorité, causés par la mondialisation et les politiques néolibérales, sont à l’origine de la tragédie actuelle. Sa principale solution est la destruction du système impérialiste et le succès du projet communiste. C’est le seul chemin pour réaliser une humanité qui valorise la vie humaine et la nature, dont ces vies aussi font partie.
En fait, Cuba et le Vietnam soulignent cette possibilité. Ce ne sont pas des pays socialistes aujourd’hui. Ce sont des pays qui ont été ré-emmêlés d’une manière ou d’une autre par les relations impérialistes, par la restauration du capitalisme. Lorsque la Chine a augmenté ses salaires, les monopoles mondiaux ont déménagé au Vietnam. Cependant, certains vestiges de l’ère socialiste persistent.
Le secteur de la santé est encore largement public. Il existe des organisations qui peuvent contribuer à grande échelle au service volontaire. Ces pays ont été aidés par ces facteurs dans la lutte contre la pandémie. On peut voir comment les réalisations de l’ancienne ère socialiste ont également profité à la Chine, aujourd’hui un pays impérialiste. Le Kerala, où le secteur de la santé publique a été largement défendu par des luttes de masse, a pu mieux combattre le coronavirus que d’autres États indiens. Pendant ce temps, les grands hôpitaux du secteur privé refusent inhumainement les personnes qui les approchent avec un rhume ou de la fièvre.
Il reste à voir combien de temps cela durera. L’impact que le coronavirus a créé est sûr de provoquer une résurgence des soins de santé publics. Cependant, sa subordination à la dynamique du capital imposera des barrières. La mémoire du capital est plutôt faible. Il y a de fortes chances que les exigences de profit obligent à nouveau le secteur public à céder à la privatisation. Même si le système de santé publique est conservé, il pourrait être utilisé comme une excellente source de données au service du capital. C’est ce qui a été constaté dans l’accord Springler*, qui a permis à la collecte de données de ne pas se soucier de la vie privée des individus.
Les données collectées sous prétexte de servir la santé publique pourraient devenir une matière première pour les entreprises pharmaceutiques, les compagnies d’assurance et autres. Il s’agit d’un nouveau niveau de privatisation, plus dangereux. Le capital pourra profiter indirectement de cela tout en se cachant derrière les structures du secteur public. Il en va de même pour l’application de santé que Modi (NDLR : le 1er ministre indien) promeut.
Il ne suffit pas d’avoir un secteur public. Celui-ci doit vraiment servir le peuple. Cela ne sera possible que s’il s’inscrit dans une transition vers une société qui élimine le fossé entre le privé et le public dans l’économie et les infrastructures. Si cela doit être relancé dans n’importe quel pays du monde, non pas comme une ombre du socialisme mais comme une transition vers le communisme, comme une révolution continue, alors cela doit être guidé par les enseignements de la théorie communiste.
*Un accord passé entre une entreprise états-unienne d’analyse de données et le gouvernement du Kerala durant l’épidémie en cours.
Source: https://www.doolnews.com/covid19-social-sources-are-important-murali-ajith-writes789.html